Samedi 29 février 2020, le Premier ministre Édouard Philippe a engagé devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement pour faire adopter sans vote le projet de réforme des retraites, avec le recours à l’article 49.3 de la Constitution. L’occasion de rappeler ici en quoi consiste cette procédure particulière si souvent décriée.
Souvent considéré comme une mesure d’exception, le recours au 49.3 fut pourtant fréquent sous la Ve République. Depuis 1958, l’article 49.3 a été utilisé 87 fois sur 52 textes.
L’article 49.3 fait partie du « Titre V » de la Constitution de 1958. Ce chapitre, qui s’étend des articles 34 à 51, met en place un ensemble de dispositions censées réguler les « rapports entre le Parlement et le gouvernement ». Parmi ceux-ci, donc, le fameux 49.3, qui dispose que :
« Le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Le 49.3 est utilisé lorsque les débats s’enlisent à l’Assemblée nationale ou que le gouvernement veut faire passer une loi dans l’urgence. C’est souvent un aveu de faiblesse face au Parlement, et un outil pour affirmer la primauté de l’exécutif.
« L’expérience a conduit à prévoir, en outre, une disposition quelque peu exceptionnelle pour assurer, malgré les manœuvres, le vote d’un texte indispensable », considérait Michel Debré, un des auteurs de la Constitution, à propos du 49.3, en faisant référence à la lenteur des prises de décision sous la IVe République.
C’est, en somme, un recours ultime pour le gouvernement face à l’hésitation des députés. Son utilisation a été critiquée à maintes reprises.
Le 49.3 est ainsi l’un des outils emblématiques du « parlementarisme rationalisé » voulu en France par les concepteurs de la 5ème République.
Parlementarisme rationalisé = ensemble de techniques de droit constitutionnel et électoral qui vise à éviter une trop grande instabilité gouvernementale dans un régime parlementaire.
Très concrètement, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi en séance publique à l’Assemblée nationale, l’article 49 alinéa 3 (49.3) de la Constitution peut permettre l’adoption sans vote d’une loi.
Cette procédure donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, ou d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
Si le Premier ministre décide d’y recourir, sa décision entraîne la suspension immédiate de la discussion du projet de loi. Le projet est considéré comme adopté, sans être soumis au vote, sauf si une motion de censure est déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent et si elle est votée selon des conditions très précises : seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée.
Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, l’article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire. Avant cette révision de la Constitution, le gouvernement pouvait y avoir recours aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte.